Nature

Le Morvan et sa forêt millénaire menacée

Morvan, par MissButterfly, sous Creative Commons BY

Le Morvan, c’est la région dans laquelle je suis venu m’installer durant l’été 2020, où se trouve Lavernois. Un retour aux sources, puisque tout un pan de ma famille y a vécu avant moi.

Morvan, Pour quelques douglas de plus est un documentaire réalisé pour France Télévisions par Franck Cuveillier.
Diffusé le jeudi 28 janvier 2021 (à 22h59, sic), il est accessible en rattrapage sur le site france.tv jusqu’au 27 février 2021.

Je n’y avais passé que peu de temps avant ça, occasionnellement. Mais m’y suis toujours senti bien. Notamment au sein cette forêt sauvage menacée, déjà largement détruite (à plus de 50% remplacée par des monocultures de Douglas donc, d’après les chiffres du docu).
Toujours les mêmes intérêts financiers, la même logique rentable court-termiste, le même fonctionnement délocalisé par strates de déresponsabilisation… qui nous mènent à la catastrophe.
Toujours ces mêmes ordures, qui pour un salaire et sur ordre, se transforment en main agissante et actionnent en l’occurrence des machines de destruction massive.

Coupes rases.

Des milliers, des centaines de milliers, des millions de mètres cubes de bois… et pour quoi ? Pour combien d’usages parfaitement superflus ?

Se chauffer, se nourrir, s’abriter ou se loger, d’accord. Alimenter des équivalents d’Ikéa ou transformer en litière pour chat soit disant écolo, non.

On a besoin d’artisans, de savoir-faire locaux, de travail à la main et de temps, pas de hangars Amazon, de management nazi, de désirs artificiels poursuivis dans un monde mort.

On avait là un trésor, un modèle à suivre d’après la perspective du sol vivant. Un trésor pérenne, et devenant de plus en plus précieux. Notre si belle civilisation occidentale avancée, si prétentieuse, en sera venue à bout en quelques décennies, ou presque.

Dans ce métrage bien narré et sans bla bla de remplissage, ce qui n’est pas si commun « à la télé », il est aussi question d’un groupement forestier pour la préservation des feuillus du Morvan. À vrai dire, je le connaissais, depuis que Reporterre en avait aussi parlé : Pour sauver la forêt du Morvan, des gens se groupent pour l’acheter peu à peu. Le titre est clair. Opposer à la propriété privée lucrative la propriété collective intelligente, gérée démocratiquement celle-là, ou au moins localement, par des habitants qui s’impliquent.

Ce sera ça ou rien, plus rien, dans tous les domaines.
Les communs ou rien.

Je ne connaissais en revanche pas cet autre groupement, nommé Le Chat sauvage, frère du premier.

Le groupement forestier du Chat Sauvage s’inscrit dans un mouvement européen de gestion respectueuse du cycle de la forêt et de ses écosystèmes. Les principes d’un tel mode d’exploitation ont été développés par l’association Prosylva, ils servent de référence au groupement dans sa gestion de la forêt. Ils impliquent une valorisation économique…

  • basée sur un mélange des espèces et des générations, avec le maintien d’arbres très âgés aux côtés de jeunes pousses ;
  • qui s’interdit le traumatisme des coupes à blanc ;
  • qui s’attachera à intervenir de façon respectueuses des sols, de la faune et de la flore, ainsi que des paysages plutôt que d’adapter la forêt aux techniques modernes d’exploitation.

M’est avis qu’on pourrait bien laisser la forêt tranquille. Enfin, mon avis… pas seulement. Mais comme expliqué dans le documentaire, la loi oblige tout propriétaire d’une forêt de plus de 300 hectares à l’exploiter.
Il est donc ici question d’une méthode de gestion de la forêt dite en « futaies irrégulières et diversifiée ». Wikipédia m’apprend que la futaie s’oppose au taillis.

Le régime de la futaie irrégulière vise à maintenir le caractère hétérogène des peuplements forestiers. On évite donc les interventions qui tendent à homogénéiser la structure des peuplements, comme les interventions de récolte et de régénération sur de grandes superficies.

L’un des avantages de la futaie irrégulière sur la futaie régulière est qu’en l’absence de coupe rase, la parcelle n’est jamais mise à nu, ce qui permet à la forêt de remplir efficacement certaines de ses fonctions, comme la protection des sols contre les érosions ou la protection contre les avalanches.

Alors voilà, cette forêt qui n’était pas « ma forêt » l’est devenue un peu plus. Et je ne me vois pas ne pas contribuer à la protéger.
Certes, la forêt devrait n’appartenir à personne, en ce sens qu’elle ne peut appartenir qu’à tous, comme l’air, l’eau, et en fin de compte comme le sol.
Bien sûr, on entend davantage parler, en France, de la forêt amazonienne que des forêts françaises. C’est-à-dire qu’on ne peut pas intervenir là-bas, tandis qu’on peut, ou qu’on pourrait, ici. Certains médias, ou plutôt la plupart, ne se privent pas de provoquer ce sentiment d’impuissance qui se poursuit en démobilisation citoyenne. C’est bon pour ceux qui dominent, et les nourrissent. À court terme là encore, c’est donc aussi bon pour eux.