Philosophie

Les Quatre accords toltèques #01

Israel, every light a child, par Dennis Jarvis, sous CC By-Sa

Le Miroir de fumée

Il regarda ses mains, sentit son corps et entendit sa propre voix dire : Je suis fait de lumière ; je suis constitué d’étoiles.
Il regarda à nouveau les étoiles et comprit que ce ne sont pas les étoiles qui créent la lumière, mais plutôt la lumière qui crée les étoiles. Tout est fait de lumière, se dit-il, et l’espace entre toutes choses n’est pas vide. Et il sut que tout ce qui existe n’est qu’un seul être vivant, et que la lumière est le messager de la vie, parce qu’elle est vivante et contient la totalité de l’information de la vie.
Puis il réalisa que, bien qu’étant constitué d’étoiles, il n’était pas ces étoiles. Je suis entre les étoiles, se dit-il.

Et il en conclut que la perception humaine n’est que de la lumière percevant de la lumière. Il vit aussi que la matière est un miroir – tout est un miroir réfléchissant la lumière et créant des images de cette lumière – et que le monde de l’illusion, le Rêve, n’est que de la fumée nous empêchant de voir qui nous sommes vraiment.

il regarda les autres êtres humains et le reste de la nature, et fut étonné de ce qu’il vit. Il se voyait lui-même en toute chose, dans chaque être humain, chaque animal, chaque arbre, dans l’eau, dans la pluie, les nuages et la terre.

Chacun est un miroir, se dit-il. Il se voyait en chacun, mais personne ne le voyait, lui, comme soi-même. Et il réalisa que tous rêvaient, mais sans conscience, sans savoir vraiment qui ils étaient. Ils ne pouvaient le voir comme eux-mêmes¹, parce qu’il y avait un mur de brouillard ou de fumée entre les miroirs. Et ce mur de brouillard provenait de leur interprétation des images de lumière : le Rêve des humains.

¹ J’ai mis du temps à comprendre cette formulation. Je tente de reformuler : Les autres ne pouvaient se voir eux-mêmes en lui, ou en n’importe qui, comme lui se voyait en eux.

Bow Shock Near Young Star LL Orionis, par NASA Hubble Space Telescope, sous CC BY
Bow Shock Near Young Star LL Orionis, par NASA Hubble Space Telescope, sous CC BY

Puis il sut qu’il allait bientôt oublier tout ce qu’il avait appris. Il voulait se souvenir des visions qu’il avait eues, aussi décida-t-il de s’appeler lui-même Miroir de Fumée, afin de toujours se rappeler que la matière est un miroir et que c’est la fumée entre les miroirs qui nous empêche de savoir qui nous sommes.

Je lis de la sagesse dans tout ceci, non de la foi ou de la spiritualité pure et parée pour le prosélytisme. J'y vois du concret. J’y lis une formulation, préalable et lointaine (au sens où elle vient d’Amérique latine et aurait 3000 ans), à des réflexions semblables à celles de nos Lumières (qui d’ailleurs s’appellent ainsi). Ça m’évoque la « prise de recul », la nécessité de clairvoyance, de voir au-delà des apparences, quelque chose du même ordre que « l’habit ne fait pas le moine » mais non focalisé sur l’humain et sans clergé, incluant tout, incluant le tout. Il y a un tout. Et parfois, selon nos phases, si on se laisse respirer, si on ouvre le thorax malgré les blessures, on le perçoit, on saisit l’évidence, ou les évidences. Les mêmes qui ont amené cette sagesse des accords toltèques à une autre humanité, ou peut-être, avec plus de modération, à une autre civilisation.


Extraits du premier chapitre des Quatre accords toltèques, La voie de la liberté personnelle, par Don Miguel Ruiz.

Lu et commenté ce matin, jeudi 21 janvier 2021, à Saint-Maur (temporairement) et tandis qu’Alexandra essaye de travailler derrière moi. Je suis assis en tailleur au pied du lit, mon ordinateur portable est posé sur la petite table devant moi. Alexandra est adossée au mur, en tête de lit, son ordinateur sur les cuisses.