Vocabulaire

Agonir les fébricitants tel Céline

Cursing seagull, par Kai Morgener, sous Creative Commons BY-NC

Il arrive que certains mots prennent la place d’autres. Par le passé, j’ai parfois voulu écrire agonir à la place d’agoniser, avant de me détromper, sans toutefois connaître le sens du premier mot ni même être sûr qu’il existait. Alors je me suis renseigné…

Et agonir n’est effectivement pas agoniser, mais accabler, accabler d’injures (et le précieux CNRTL de préciser que la « confusion [est] souvent faite en langue populaire et même chez de bons auteurs » ; me voilà rassuré 😉 ), l’occasion d’un peu de ce Céline tiens, parce que diantre c’est beau :

On attendait buvant notre jus qu’ils se ramènent en trombe les maniaques, les fébricitants de la goupille … qu’ils recommencent à nous agonir… menacer… piquer l’épilepsie… emboutir la porte… se faire rebondir dans le décor… C’était moi alors Courtial qu’il entreprenait… qu’il essayait d’humilier… ça le soulageait qu’on aurait dit…

L.-F. Céline, Mort à crédit, 1936, p.473.

− Eh bien? qu’elle leur dit… Qu’est-ce que vous avez?.. Bande de paumés! Bande de saindoux! Vous êtes que des sales morveux! Allez vous-en vous gratter! Malfrins! Cressons! De quoi que vous êtes pas contents?.. Vous le connaissiez pas vous ce bigleux?.. » C’était culotté d’attitude… mais ça n’a pas pris quand même… Ils l’ont encore plus agonie!.. Ils ont redoublé en beuglements. Ils glaviotaient plein notre vitre. Ils balançaient des graviers… C’était du massacre bientôt…

L.-F. Céline, Mort à crédit, 1936, p.530.

Ou bien si elles banquaient[?] un peu, elles râlaient, chialaient tellement, rabotaient si fort les petites factures minuscules, avec des telles démonstrations… que ma mère, à la fin du compte, savait plus comment ni quoi dire… Elle avait seulement transpiré, boité, bavé sang et eau après la Jasmin, après toutes, pour à la fin se faire agonir, traiter comme pourri…

L.-F. Céline, Mort à crédit, 1936, p.333.

Et de découvrir de bons mots encore ! Et notamment, mon préféré, « fébricitants » ! Vous ne le connaissiez pas celui-là, hein, bande de cressons ! Les malfrins, pour leur part, n’ayant pas voix au chapitre de notre Centre National. Une preuve de plus que la vie est injuste.