Féminisme

Test et syndromes pour relever le sexisme dans les œuvres de fiction

Test de Bechdel

Test de Bechdel — Wikipédia

vise à mettre en évidence la sur-représentation des protagonistes masculins ou la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction.

On peut probablement trouver l'origine de ce test dans Une chambre à soi de Virginia Woolf, dans lequel la narratrice peine à trouver des livres décrivant une amitié féminine, et ne présentant pas les femmes comme seulement intéressées par les affaires domestiques.

Le test repose sur trois critères :

  1. Il doit y avoir au moins deux femmes nommées (nom/prénom) dans l’œuvre ;
  2. qui parlent ensemble ;
  3. et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme.

Le critère qui stipule que les deux femmes doivent être nommées est un complément du premier critère ajouté par d'autres par la suite.

Si l’œuvre vérifie ces trois critères, le test est dit réussi. Si ce n'est pas le cas, cela peut indiquer que l’œuvre est centrée sur des figures masculines, voire correspond au syndrome de la Schtroumpfette.

Tout le monde ne peut pas en dire autant que Thelma et Louise, de Ridley Scott, sorti en 1991

Le test de Bechdel-Wallace se veut un indicateur du sexisme des films qui ne mettraient en avant qu'un nombre restreint de personnages féminins, dont le rôle serait celui de faire-valoir des personnages masculins. Il vise aussi à ne pas limiter les personnages féminins à leurs histoires d'amour.

Découvert au détour d’une vidéo (pas fameuse) vue sur Blast et traitant de Mr Robot, j’ai cherché à en savoir davantage sur ce test. J’ai l’impression d’apprécier les œuvres bien dotées en bons rôles féminins et ça me choque qu’il y ait des métrages sans 2 femmes qui se parlent et d’autre chose que d’hommes. Mais c’est visiblement le cas de plus de la moitié des films encore aujourd’hui… Je disais dans la foulée à Alexandra que j’aimais les films avec des personnages féminins forts, mais j’ai réalisé dans la suite de ces fouilles que ce n’était pas un critère suffisant pour échaper au problème de fond, car ce personnage féminin fort s’effacerait tout de même le plus souvent au profit d’un homme (et les exemples font mouche). Un autre syndrome émergeant alors, celui de Trinity. Mais revenons d’abord sur celui de la Schtroumpfette.

Tout est dit…

Syndrome de la Schtroumpfette

Syndrome de la Schtroumpfette — Wikipédia

celui de la sur-représentation (volontaire ou inconsciente) des protagonistes masculins dans les œuvres de fiction, au détriment des protagonistes féminins.

proposée par la critique américaine Katha Pollitt dans un article du New York Times d'avril 1991.

« Les séries télévisées récentes ont souvent seulement des personnages masculins, comme Garfield, ou sont organisées selon ce que j'appelle le syndrome de la Schtroumpfette : un groupe de copains, accompagnés d'une seule femme, en général définie de manière stéréotypée… Le message est clair. Les garçons sont la norme, les filles la variation ; les garçons sont centraux quand les filles sont à la périphérie ; les garçons sont des individus alors que les filles sont des stéréotypes. Les garçons définissent le groupe, son histoire et ses valeurs. Les filles existent seulement dans leur relation aux garçons. »

Dans la série de bandes dessinées Les Schtroumpfs, la Schtroumpfette est l'unique personnage féminin récurrent.

Les bandes dessinées Tintin mettent en scène et donnent la parole à très peu de personnages féminins, le seul mémorable étant la Castafiore.

Mais c’est aussi le cas dans Winnie l’ourson, Star Wars, Les Tortues Ninja, ou Ocean’s Eleven… Pour ce dernier, qui n’est certes pas une œuvre majeure, on parle d’un groupe de 11 personnes d’exception, dont une seule est une femme…

Bref, le test de Bechdel, si peu technique soit-il, permet de mettre en évidence ce défaut de beaucoup trop d’œuvres de fiction, défaut nommé en référence à l'une des œuvres les plus caricaturales qui soit sur ce point, à savoir les Schtroumpfs

Mais donc, même des rôles féminins forts (et je pense souvent aux films de James Cameron dont certains m’ont beaucoup marqué pendant mon enfance : Sarah Connor dans Terminator 2, Rose dans Titanic, et même Neytiri dans Avatar) ne permettent pas forcément d’attribuer une étiquette féministe compatible à un film…

Sarah Connor pète un câble. Elle n’en peut plus de tout ce macho-sexisme !

À lire aussi, même si c’est un peu publicitaire : Pourquoi Sarah Connor est toujours aussi iconique ; chez terrafemina.com.
Cameron est tout de même un réalisateur à part sur ce sujet…

Syndrome Trinity

Syndrome Trinity — Wikipédia

qualifie un personnage féminin fort qui s'efface dans une fiction au profit du héros masculin, nommé en référence au personnage de Trinity dans la série de films Matrix.

Inventée par la critique Tasha Robinson en 2014 [l’intitulé est donc récent, mais la critique ne doit pas dater d’hier…], l'expression désigne un personnage féminin fort qui s'efface au profit d'un homme souvent ordinaire voire à moitié incompétent. L'idée sexiste sous-jacente est qu'« une femme a beau être extraordinairement compétente, intelligente, forte, etc., elle sera toujours moins digne d'intérêt qu’un homme ».

S'il permet de sortir du cliché de la demoiselle en détresse, un « personnage féminin fort », cliché par ailleurs critiqué, n'est donc pas considéré comme un gage de féminisme.

Bon, ce cliché du personnage féminin fort est donc critiqué, et il me faudra fouiller, mais en attendant, il m’a toujours beaucoup plu… Peut-être que ceci confirme cela plutôt que l’inverse.

Trinity possède de nombreux talents : elle maîtrise des arts martiaux (dans la première scène du film, elle neutralise seule tout un groupe de policiers), elle court sur les murs et réalise des bonds extraordinaires, elle est une hackeuse légendaire… Neo est présenté comme un homme ordinaire sans talent, mais c'est pourtant lui qui est désigné comme « l'Élu ».

Dans la mécanique scénaristique, elle finit par être cantonnée au rôle d'intérêt amoureux du héros. Elle se retrouvera d'ailleurs dans la position de « damoiselle en détresse ».

Neo arrête les balles à main nue ! Est-ce qu’elle peut le faire, ça, Trinity, hein ?! Bah non ! Elle peut pas !
(en vrai, je ne sais plus…)

Et vu sous cet angle, c’est vraiment particulièrement frappant. J’adore ce personnage, mais je n’avais pas gardé l’ampleur de l’injustice scénaristique qui le frappe. j’ai peut-être été déçu lors de mes premiers visionnages du peu d’importance qu’elle préservait dans le déroulement des films… mais ce qui est certain, c’est que ça n’avait pas agi comme un révélateur d’un problème structurel pourtant flagrant.

J’adore l’exemple donné ensuite dans la page Wikipédia, celui d’Hermione Granger dans Harry Poter :

est une sorcière plus intelligente, habile et puissante que Harry Potter, le personnage principal. Hermione lui sauve d'ailleurs la vie à plusieurs reprises

Toute cette injustice, ça défrise Hermione !

Mais, ce qui m’intéresse le plus au final, ce sont les contre-exemples. Car on peut se focaliser sur eux pour changer la donne… Et si je n’ai pas lu Hunger Games qui me paraissait trop étiqueté et peu prometteur (après la saga Twilight qui, en France, la précédait il me semble et lui servait de marche-pied éditorial), À la croisée des Mondes est, elle, un sacré bijou que j’aime d’amour véritable, autant sur le plan littéraire que scénaristique.

D’ailleurs, pendant qu’on y est, on remarquera que Harry Poter est écrit par une femme, quand À la croisée des mondes l'est par un homme… Non pas pour dire que je trouve, en l’occurrence, l’œuvre d’un homme (ce dont je me fous bien, à la base !) bien meilleure ; mais pour dire qu’il ne suffit pas non plus d’être femme pour en promouvoir la cause. Autrement dit, et cela je l’avais déjà acquis, les femmes ont encore largement, et notamment du fait de la culture et des œuvres de fiction, intériorisé leur place vis-à-vis de celle des hommes dans notre société patriarcale.

Bref, tout ça reste un moyen divertissant et accrocheur d’aborder un sujet hautement sensible et in fine extrêmement dommageable et triste dans ses effets.

J’en profite tout de même pour caler une petite introduction à la très mémorable série Masters of Sex